• Je vous présente deux extraits aujourd'hui : un très joli poème d'amour pour débuter et vous mettre en émoi, puis une réalité qui pourrait effrayer si nous faisions le même rêve.... Par contre si la conclusion pouvait être partagée de tous, le monde serait bien meilleur.

     

    Elégie 

     

    Je ne vous parlerai que lorsqu’en l’eau profonde
    Votre visage pur se sera reflété
    Et lorsque la fraîcheur fugitive de l’onde
    Vous aura dit le peu que dure la beauté.

    Il faudra que vos mains pour en être odorantes,
    Aient cueilli le bouquet des heures et, tout bas,
    Qu’en ayant respiré les âmes différentes
    Vous soupiriez encore et ne souriiez pas ;

     

    Il faudra que le bruit des divines abeilles
    Qui volent dans l’air tiède et pèsent sur les fleurs
    Ait longuement vibré au fond de vos oreilles
    Son rustique murmure et sa chaude rumeur ;

    Je ne vous parlerai que quand l’odeur des roses
    Fera frémir un peu votre bras sur le mien
    Et lorsque la douceur qu’épand le soir des choses
    Sera entrée en vous avec l’ombre qui vient ;

    Et vous ne saurez plus, tant l’heure sera tendre
    Des baumes de la nuit et des senteurs du jour,
    Si c’est le vent qui rôde ou la feuille qui tremble,
    Ma voix ou votre voix ou la voix de l’Amour...

     

    Henri de Régnier La cité des eaux, 1902

     

     

    Un songe

     

    Le laboureur m'a dit en songe : « Fais ton pain, 
    Je ne te nourris plus, gratte la terre et sème. » 
    Le tisserand m'a dit : « Fais tes habits toi-même. » 
    Et le maçon m'a dit : « Prends ta truelle en main. »

    Et seul, abandonné de tout le genre humain 
    Dont je traînais partout l'implacable anathème, 
    Quand j'implorais du ciel une pitié suprême, 
    Je trouvais des lions debout dans mon chemin.

    J'ouvris les yeux, doutant si l'aube était réelle : 
    De hardis compagnons sifflaient sur leur échelle, 
    Les métiers bourdonnaient, les champs étaient semés.

    Je connus mon bonheur et qu'au monde où nous sommes 
    Nul ne peut se vanter de se passer des hommes ; 
    Et depuis ce jour-là je les ai tous aimés.

    Sully Prudhomme Les Epreuves, 1866


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  • Avant toute chose, je remercie mon amie Marie-Laure pour le prêt. Elle m'avait déjà invitée à lire  : L'Homme qui voulait être heureux et Le jour où j'ai appris à vivre du même auteur.

    Ce roman est tout aussi intéressant que les précédents. Surtout qu'il commence mal :

     

    Les dieux voyagent toujours incognito de Laurent GounelleImaginez :

    vous êtes au bord du précipice. A l'instant fatidique, un homme vous sauve la vie. En échange : votre engagement à faire tout ce qu'il vous demandera. Vous acceptez et vous voilà embarqué dans un incroyable voyage où tout semble vous "échapper.

     

    Plus qu'un roman, une réflexion sur soi-même qui nous invite à prendre notre destin en main.

     

    Ce livre est en fait une aventure dans laquelle Alan va devoir effectuer des épreuves spécialement conçues pour lui. Il sera amené à dépasser ses peurs, ses convictions pour se libérer des angoisses, des freins qui lui pèsent et l'empêchent d'être lui-même.

    Parce que certaines de ses angoisses sont aussi les nôtres, on comprend à quel point il est difficile pour lui d'affronter les épreuves et on stresse tout autant que lui. Il y a une part de Alan dans chacun d'entre nous, dans nos familles, chez nos amis, il est du coup surprenant de comprendre que nos peurs les plus profondes nous empêchent d'être libres. On part dès notre plus jeune âge sur de fausses pistes, des faux-semblant qui nous briment, nous enchaînent et c'est si bon de voir à quel point il est possible de détacher les liens petit à petit et de goûter à une vie plus légère, plus attractive, plus joyeuse.

    A lire de toute urgence lorsque vos craintes prennent le dessus sur vos envies....

     

    Extrait 1 :

    - J'ai beaucoup réfléchi à ton cas, finit-il par dire. En fait, tu as plusieurs problèmes imbriqués les uns dans les autres. Le noyau en est ta peur des gens. Je ne sais pas si tu en as vraiment conscience, mais non seulement tu n'oses pas t'imposer, ni même vraiment exprimer tes souhaits, mais tu as beaucoup de mal à aller à l'encontre de la volonté des autres et à verbaliser franchement un refus. Bref tu ne vis pas vraiment ta vie, tu agis trop en fonction des autres par peur de leurs réactions. Les premières tâches que je vais te donner t'apprendront à surmonter ton appréhension pour accepter d'être en désaccord, à oser contredire pour exprimer tes désirs et obtenir ce que tu veux.

    Ensuite il va falloir que tu acceptes de ne pas forcément correspondre à ce qu'attendent les gens, ne pas toujours te conformer à leurs critères, leurs valeurs mais oser afficher ta différence, parfois même quand elle dérange. Bref, lâcher prise sur l'image que tu souhaites donner aux autres, et apprendre à ne pas trop te soucier de ce qu'ils pensent de toi.

    Lorsque tu assumeras pleinement tes différences, alors tu pourras te pencher sur celles des autres et, si nécessaire, t'y adapter. Tu pourras ainsi apprendre à mieux communiquer, à entrer en contact avec des inconnus et créer une relation de confiance, être accepté par des personnes ne fonctionnant pas comme toi. Mais il faut d'abord que tu aies accepté ce qui te rend unique, sinon tu continuerais de disparaître au profit des autres gens.

     

    Extrait 2 :

    - Amuse-toi. C'est le meilleur conseil que je puisse te donner. Si tu y parviens, c'est gagné. Arrête de tout prendre au sérieux. Prends un peu de recul et vis cette épreuve comme un jeu. C'est bien ce que c'est, n'est-ce pas ? Un jeu. Il n'y a rien à perdre, seulement des choses à expérimenter.

    - Mouais...

    - Tu sais, chacun peut voir la vie comme parsemée d'embûches à éviter, ou comme un vaste terrain de jeux qui offre à chaque coin de rue une expérience enrichissante à mener.


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  • Puisque les licornes reviennent à la mode, autant faire un petit saut dans le passé au XIIIème siècle avec cette jolie déclaration d'amour... Les amours impossibles ne sont-ils pas les plus douloureux et leurs cris les plus beaux ?

     

    Je suis semblable à la licorne 

     

    Je suis semblable à la licorne

    Qui contemple, fascinée,

    La vierge que suit son regard.

    Heureuse de son tourment,

    Elle tombe pâmée en son giron,

    Proie offerte au traître qui la tue.

    Ainsi de moi, je suis mis à mort.

    Amour et ma dame me tuent.

    Ils ont pris mon coeur, je ne peux le reprendre.

     

    Dame, quand je fus pour la première fois

    Devant vous, quand je vous vis,

    Mon coeur si fort tressaillit

    Qu’il est resté auprès de vous quand je partis.

     

    Alors il fut emmené sans rançon

    Et enfermé dans la douce prison

    Dont les piliers sont de désir,

    Les portes, de contemplation,

    Et les chaînes, de bon espoir.

     

    Amour a la clef de la prison,

    Il la fait garder par trois portiers :

    Beau visage a nom le premier,

    Beauté exerce ensuite son pouvoir ;

    Obstacle est mis devant l’entrée,

    un être sale, félon, vulgaire et puant,

    Plein de malveillance et de scélératesse.

    Ces gardiens rusés et rapides

    Ont tôt fait de se saisir d’un homme !

     

    Qui pourrait supporter les brimades

    Et les assauts de ces geôliers ?

    Jamais Roland ni Olivier

    Ne remportèrent de si rudes batailles.

    Ils triomphèrent, les armes à la main,

    Mais ceux-là, seule Humilité peut les vaincre

    Dont Patience est le porte-étendard.

    En ce combat dont je vous parle,

    Il n’est d’autre recours que la pitié.

     

    Dame, je ne redoute rien tant

    Que de manquer à vous aimer.

    J’ai tant appris la souffrance

    Qu’elle m’a lié tout entier à vous.

    Et même, s’il vous déplaisait,

    Je ne pourrais renoncer à vous

    Sans emporter au moins mes souvenirs.

    Mon coeur, lui, restera en prison,

    Et peut être moi-même.

     

    Thibaut De Champagne Les chansons, environ 1240


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  • OK j'avoue, c'est le nom de l'auteure qui m'a poussée à lire ce livre. Fan de X-Files, Hannibal et de The Fall, je ne me cache pas, j'aime cette actrice... Pour ceux qui l'ignorent, Gillian Anderson est l'agent Dana Scully de la série X-Files, partenaire de Fox Mulder interprété par David Duchovny.

    Ce roman est le tome 1 d'une trilogie intitulée Earthend, tiens donc, ça fait un peu science-fiction non ? Puis on lit la quatrième de couverture :

     

    Visions de feu de Gillian Anderson et Jeff RovinPartout sur la planète, des adolescents sans aucun lien commencent à présenter des symptômes inexplicables.

    La fille du représentant indien à l’ONU se met à parler une langue inconnue et souffre de violentes visions. Une jeune Haïtienne manque de se noyer sur la terre ferme. Un étudiant iranien s’immole par le feu…
    À New York, la célèbre psychologue pour adolescents Caitlin O’Hara est chargée de traiter la fille de l'ambassadeur indien, qu'elle pense être sous le choc des tensions qui menacent son pays et pourraient bien mener à une guerre nucléaire.

    Mais très vite Caitlin est obligée de reconnaître qu'elle a affaire à un phénomène plus sinistre encore, lié à des forces issues d'une civilisation disparue...

     

    et on se rend compte qu'on a visé dans le mille ! Scully est de retour !

    Non, mais bon, ça pourrait ?

     

    Comme Scully, Caitlin est maternelle, elle pratique son métier avec passion, engouement, sincérité, elle ne lâche rien, va au fond des choses, elle est prête à tout pour découvrir la vérité. Et quelle vérité l'attend au bout du chemin ?

    Ce roman est un long périple semé d'embûches. Les deux auteurs nous placent par ci par là des indices que Caitlin va devoir regrouper, étudier avec du recul pour mieux les cerner, les comprendre, les appréhender. Mais elle est sous pression constante car la fille de l'ambassadeur a terriblement besoin d'elle pour survivre. La psychologue sera amenée à voyager loin, très loin pour élucider le mystère et venir en aide à la jeune fille ainsi qu'à bien d'autres...

     

    Difficile d'en dire plus, il y a déjà beaucoup de choses dans la quatrième de couverture et ce serait dommage de vous en dévoiler davantage. Sachez juste que ce roman se lit à une vitesse grand V, il est captivant, le suspense est prenant, les adolescents concernés subissent de grandes souffrances qui nous incitent à tourner les pages sans réfléchir pour pouvoir les sauver le plus rapidement possible... C'est un beau travail d'équipe et le second tome Rêves de glace est sur ma liste bien évidemment !

    A lire absolument !

     

    Extrait : Caitlin s'accroupit à côté de Maanik qui ne cessait de hurler. Chacun de ses cris s'accompagnait de profonds sanglots. Elle agitait les mains d'une façon étrange. Elle ne se griffait pas, elle n'écrivait pas, mais on aurauit dit qu'elle prenait frénétiquement des objets sur une étagère. Quand elle reprenait son souffle entre deux hurlements, elle murmurait quelque chose. Caitlin se pencha pour mieux écouter et distingua deux mots qui ressemblaient à "null zee".


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  • Un jour, un poème (1/19)365 chefs d'oeuvre de la poésie française présentés par Jean Orizet ça ne se refuse pas, surtout quand il s'agit en plus d'un cadeau, merci Marie-France....

    Qui mieux qu'un poète pour mettre en valeur d'autres poésies ? Mais Jean Orizet est aussi écrivain, éditeur, critique, membre de plusieurs jurys, président de l'Association des écrivains combattants et il a reçu de nombreux prix.

    Il a réuni dans cet ouvrage merveilleusement illustré d'ailleurs quelque 135 poètes de tout horizon : de très connus comme Hugo ou Baudelaire, de très anciens comme Charles d'Orléans, des femmes, des hommes, des contemporains et il a réparti leurs oeuvres dans les quatre saisons qui étalonnent notre calendrier.

    Je vous ai fait une petite sélection de mes préférés ; il y en a que j'ai appris à l'école, d'autres que j'étudie avec mes élèves et d'autres encore qui m'ont touchée tout simplement.

     

    Bonne lecture et bon voyage dans le temps, je vous laisse sur une citation de Jean Orizet :

    " Pèlerin de l'invisible, témoin de l'ineffable, architecte du verbe, gardien du lyrisme et de l'émotion, le poète de tous les temps demeure un éternel aventurier. Sa parole est l'affirmation de l'humain contre la barbarie ; elle est la preuve de la jeunesse du monde ; elle est encore "Le dimanche de la vie"."

     

    Le printemps

     

    Premier sourire de printemps 

     

    Tandis qu'à leurs oeuvres perverses
    Les hommes courent haletants,
    Mars qui rit, malgré les averses,
    Prépare en secret le printemps.

    Pour les petites pâquerettes,
    Sournoisement lorsque tout dort,
    Il repasse des collerettes
    Et cisèle des boutons d'or.

    Dans le verger et dans la vigne,
    Il s'en va, furtif perruquier,
    Avec une houppe de cygne,
    Poudrer à frimas l'amandier.

    La nature au lit se repose ;
    Lui descend au jardin désert,
    Et lace les boutons de rose
    Dans leur corset de velours vert.

    Tout en composant des solfèges,
    Qu'aux merles il siffle à mi-voix,
    Il sème aux prés les perce-neiges
    Et les violettes aux bois.

    Sur le cresson de la fontaine
    Où le cerf boit, l'oreille au guet,
    De sa main cachée il égrène
    Les grelots d'argent du muguet.

    Sous l'herbe, pour que tu la cueilles,
    Il met la fraise au teint vermeil,
    Et te tresse un chapeau de feuilles
    Pour te garantir du soleil.

    Puis, lorsque sa besogne est faite,
    Et que son règne va finir,
    Au seuil d'avril tournant la tête,
    Il dit : " Printemps, tu peux venir ! "

     

    Théophile Gautier Emaux et Camées, 1858


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