• Voici deux nouveaux poèmes... Si le second est très connu et pourtant toujours aussi fort malgré les lectures répétées, le premier est une jolie découverte qui parlera aux poètes et écrivains en herbe...

     

    J'écris pour que le jour

     

    J'écris pour que le jour où je ne serai plus
    On sache comme l'air et le plaisir m'ont plu
    Et que mon livre porte à la foule future
    Combien j'aimais la vie et l'heureuse Nature.

    Attentive aux travaux des champs et des maisons
    J'ai marqué chaque jour la forme des saisons,
    Parce que l'eau, la terre, et la montante flamme
    En nul endroit ne sont si belles qu'en mon âme !

    J'ai dit ce que j'ai vu et ce que j'ai senti
    D'un cœur pour qui le vrai ne fut point trop hardi
    Et j'ai eu cette ardeur, par l'amour intimée,
    Pour être après la mort, parfois encore aimée,

    Et qu'un jeune homme, alors, lisant ce que j'écris
    Sentant par moi son cœur ému, troublé, surpris,
    Ayant tout oublié des épouses réelles,
    M'accueille dans son âme et me préfère à elles...

     

    Anna de Noailles L'Ombre des jours, 1902

     

     

    Demain, dès l'aube

     

    Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,

    Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.

    J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.

    Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

     

    Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

    Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit,

    Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

    Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

     

    Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,

    Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

    Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe

    Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

     

    Victor Hugo, Les contemplations, 1847


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  • Gravé dans le sable de Michel Bussi

     

    Tout d'abord je tiens à remercier ma maman pour ce prêt de livre.

    Ce n'est pas un roman qui aurait attiré mon attention dans une librairie, je l'avoue. Le titre, la première de couverture ne sont pas accrocheurs à mon goût mais maintenant que je l'ai lu, je dois dire que la symbolique de l'illustration est plutôt bien trouvée et le titre aussi au final, comme quoi, les premières intentions ne sont pas forcément les bonnes.

     

    Quatrième de couverture : Quel est le prix d'une vie ? Quand on s'appelle Lucky, qu'on a la chance du diable, alors peut-être la mort n'est-elle qu'un défi. Un jeu. Ils étaient cent quatre-vingt-huit soldats sur la péniche en ce jour de juin 1944. Et Lucky a misé sa vie contre une hypothétique fortune. Alice, sa fiancée, n'a rien à perdre lorsque, vingt ans plus tard, elle apprend l'incroyable pacte conclu par Lucky. De la Normandie aux Etats-Unis, elle se lance en quête de la vérité et des témoins de l'époque... au risque de réveiller les démons du passé...

     

    Alors non ce n'est pas un livre où les horreurs de la guerre vont nous donner la nausée. Je rassure les âmes sensibles, il n'y a qu'un chapitre qui évoque ce débarquement sanglant et il est franchement édulcoré.

    Ce roman est avant tout une enquête en lien avec deux histoires d'amour intenses. Des passions uniques et fortes que deux jeunes femmes portent sur leurs épaules au point qu'elles en sont rongées de l'intérieur et n'ont plus le goût de vivre. Leurs hommes étaient tout pour elles, sans eux, elles ne sont que des fantômes qui cherchent désespérément une raison de vivre.

    Elles la trouveront dans la recherche de la vérité à tout prix. Mais après vingt ans voire plus, les indices ont parfois disparus, les témoins sont morts, partis ou bien cachés, ce qui rend la tâche bien difficile. Aidée de Nick, un détective privé, Alice est prête à remuer ciel et terre pour obtenir justice, pour venger son Lucky, mort sur cette plage de Normandie comme tant d'autres en ce jour tragique de 44. L'argent à la clé ne l'intéresse pas mais c'est une somme considérable que d'autres devront payer... Croire qu'ils se laisseront faire est utopique. C'est une bataille entre David et Goliath qui s'annonce et il va falloir être bien armé car les coups bas seront autorisés...

    Alice n'est pas au bout de ses peines, elle n'a aucune idée de ce qui l'attend. La force de son amour, son besoin de vérité et de justice seront-ils assez forts pour continuer malgré les tempêtes ?

     

     

    Pour un premier roman, Michel Bussi commence fort et il me donne du coup bien envie de lire ses histoires suivantes. Les enquêtes sont vraiment intéressantes, il nous balade d'un endroit à un autre, d'un témoin à un autre, d'une version à une autre, il sème le trouble et les doutes avec efficacité. Le rythme est agréable, les descriptions sont parfois un peu trop longues à mon goût mais à chaque fois il sait attirer notre attention et nous captiver à nouveau.

    Cette histoire d'amour tragique ne vous laissera pas de marbre, je vous invite à découvrir ce roman sans plus attendre....

     

    Extrait : Le ranger en profita pour s'enhardir un peu plus.

    - C'est tout de même incroyable, continua-t-il. J'ai toujours cru que vous étiez une légende? On ne devrait pas avoir droit de mourir lorsqu'une femme telle que vous vous attend. Comment peut-on aller narguer la mort lorsqu'on est aimé par la plus belle femme du monde ?

    - Narguer la mort, répondit Alice pensive, visiblement insensible aux compliments du soldat. Lucky était ici comme vous tous. Il n'avait pas choisi cette guerre.

    - Bien sûr, je sais... Justement, il y avait déjà assez de risques comme ça d'y passer. Lucky n'avait pas besoin d'aller faire le con en plus...

    Alice hésita un instant.

    - Que voulez-vous dire ? Qu'est-ce que Lucky a fait en plus des autres ?

    - Ben vous savez bien.

    Le vétéran eut un sourire complice et continua :

    - Ce truc en plus... Une belle connerie, c'est sûr, mais une connerie sacrément bien payée. Telle que je vous vois là, vous êtes peut-être la veuve la plus triste des Etats-Unis... mais aussi la plus riche...

    Alice fit une mine étonnée.

    - Qu'est-ce que vous me racontez ? Lucky n'avait aucun argent... Son père était ouvrier et sa mère serveuse.

    Le soldat la regarda, incrédule :

    - Vous vous fichez de moi ? Vous êtes quand même bien au courant de l'histoire...

    - Comment cela, quelle histoire ?

    - Vous n'allez pas me dire que vous n'avez jamais touché d'argent ?

    - On n'était même pas mariés avec Lucky. Alosr la pension, vous savez...

    - Non ce n'est pas cela, bien sûr... Vous n'avez vraiment rien touché ? Vous ne vous fichez pas de moi ?

    Son poing serré frappa sèchement son front.

    - Putain... Le salaud ! L'ignoble salaud !


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  • A nouveau, je remercie ma maman de m'avoir prêté ce livre. Selon elle, ce roman était le meilleur des Bussi, mais je dois avouer que je ne suis pas d'accord avec elle.

     

    Un avion sans elle de Michel BussiQuatrième de couverture : 23 décembre 1980. Un crash d'avion dans le Jura. Une petite libellule de 3 mois tombe du ciel, orpheline. Deux familles que tout oppose se la disputent. La justice tranche : elle sera Emilie Vitral. Aujourd'hui, elle a 18 ans, la vie devant elle mais des questions plein la tête. Qui est-elle vraiment ? Dix-huit ans que Crédule Grand-Duc, détective privé, se pose la même question. Alors qu'il s'apprête à abandonner, la vérité surgit devant ses yeux, qu'il referme aussitôt, assassiné. Il ne reste plus à Emilie qu'un vieux carnet de notes, des souvenirs, et Marc, son frère, pour découvrir la vérité....

     

    Quand une telle catastrophe arrive, toutes les familles des victimes sont sous le choc. Mais lorsqu'il n'y a qu'un survivant qui pourrait être la petite fille de deux familles, l'espoir fait tout aussi mal car on s'y accroche coûte que coûte. Comment pourrait-il en être autrement, elle est la fruit des entrailles de la fille ou du fils perdu dans l'avion, elle est tout ce qu'il reste de son propre enfant. Les familles Carville et Vitral vont donc s'affronter au tribunal, car elles sont toutes les deux intimement persuadées qu'il s'agit de leur descendante. Mais les tests ADN n'existaient pas à l'époque, tous les bébés de trois mois changent si vite et la distance qui séparait les grands-parents de la petite fille ne permettait pas de définir avec précision et certitude quel était le nom de la survivante. La justice doit cependant trancher et c'est ce qu'elle fait en confiant l'enfant aux Vitral.

    Les Carville, une riche famille, décide alors d'engager le détective privé Crédule Grand-Duc et le charge désespérément de remuer ciel et terre pour déterminer la véritable identité de la petite, quelle qu'elle soit. En bon détective, il va réellement tout faire pour récupérer le plus d'indices possible en France et en Turquie. Mais c'est un véritable casse-tête, aussi consigne-t-il tout dans son journal.

    Emilie Vitral a 18 ans. Elle a grandi au côté de son frère Marc qui l'aime plus que tout. Ce carnet dont elle hérite va bouleverser sa vie. Les indices répertoriés par Grand-Duc, aujourd'hui décédé, vont l'atteindre dans sa chair. Quand Marc met la main dessus, la vérité le fauche au plus profond de lui-même et c'est à travers sa lecture qu'on découvre l'enquête de Grand-Duc et l'histoire de cette petite fille.

     

    L'idée était intéressante : une survivante, une identité à définir, une tranche de vie sur laquelle se pose la vie des autres.... Le montage est bien réalisé : le crash, la bataille judiciaire, le désespoir des familles, l'enquête que l'on découvre à travers la lecture du journal, pas à pas, petit à petit, le temps de nous faire des opinions différentes et d'embrouiller notre esprit.

    Mais voilà, même si le roman est bien écrit et captive, il y a des indices qui m'ont mise rapidement sur la bonne piste et malheureusement la fin m'a forcément déçue car je la connaissais avant de la lire...

     

    Extrait : 2 octobre 1998, 9h24.

    Marc releva les yeux du carnet de Grand-Duc. Emu aux larmes.

    Non, bien entendu, il n'avait conservé aucun souvenir de cette matinée de malheur. Jusqu'à ce qu'il lise ce récit...

    Découvrir ainsi chaque détail du drame de son enfance avait quelque chose d'étrange, d'irréel.

    L'agitation autour de lui, au Lénine, lui tournait la tête. Les cinq types de l'association étudiante étaient sortis, toujours aussi hilares, claquant la porte de verre derrière eux. La main de Marc glissa sur son visage, essuyant avec discrétion les gouttes au coin de ses yeux. Il respira lentement, tout en se raisonnant. Après tout, il connaissait déjà presque tous les éléments de cette histoire. De son histoire.

    Presque tous...

    9h25, à la pendule Martini.

    Et il n'en était qu'au début.


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  • Changeons de saison, passons aux poésies rattachées à l'automne. On commence avec deux poèmes du XXème siècle. Le second a toute mon attention car je le fais apprendre à mes élèves de CE2. J'aime son rythme et sa nostalgie. 

     

    Le tremble est blanc

     

    Le temps irrévocable a fui. L'heure s'achève. 
    Mais toi, quand tu reviens, et traverses mon rêve,
     
    Tes bras sont plus frais que le jour qui se lève,
     
    Tes yeux plus clairs.

    A travers le passé ma mémoire t'embrasse.
     
    Te voici. Tu descends en courant la terrasse
     
    Odorante, et tes faibles pas s'embarrassent
     
    Parmi les fleurs.

    Par un après-midi de l'automne, au mirage
     
    De ce tremble inconstant que varient les nuages,
     
    Ah ! verrai-je encor se farder ton visage
     
    D'ombre et de soleil ?

     

    Paul-Jean Toulet Les Contrerimes, 1921

     

     

    Automne

     

    Odeur des pluies de mon enfance
    Derniers soleils de la saison !
    A sept ans comme il faisait bon
    Après d’ennuyeuses vacances,
    Se retrouver dans sa maison !

    La vieille classe de mon père,
    Pleine de guêpes écrasées,
    Sentait l’encre, le bois, la craie
    Et ces merveilleuses poussières
    Amassées par tout un été.

    O temps charmant des brumes douces,
    Des gibiers,des longs vols d’oiseaux,

    Le vent souffle sous le préau,
    Mais je tiens entre paume et pouce
    Une rouge pomme à couteau.

     

    René Guy Cadou Automne, 1957


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  • Fractures de Franck Thilliez

     

    Un thriller encore un signé Thilliez encore une fois...

    Oui je suis une lectrice fidèle surtout lorsqu'on parvient à me bluffer à chaque fois et c'est le cas pour cet auteur. Il me reste encore plusieurs de ses romans à découvrir et je compte bien tous les lire...

     

    Quatrième de couverture : Alice sait que quelque chose ne tourne pas rond dans sa tête et les évènements étranges qui se multiplient autour d'elle ne vont rien arranger : cette photo récente de sa soeur jumelle, pourtant morte dix ans auparavant, qu'elle récupère des mains d'un immigré clandestin ; son père, agressé chez lui à l'arme blanche, et qui prétend avoir tenté de se suicider ; ce chemisier ensanglanté qu'elle découvre dans sa douche et dont elle n'a pas le moindre souvenir. Alice vient de prendre un aller simple vers la folie...

     

    Après nous avoir passionnés par la neurologie dans La mémoire fantôme, Thilliez nous en met plein la vue avec cette histoire tirée de la vie d'Alice et qui nous dévoile tout un pan de la psychologie plus que passionnant.

     

    Alice est une jeune femme troublée, solitaire et en souffrance qui est suivie par un psychiatre Luc Graham. Cet homme est attachée à elle et son cas le laisse perplexe. C'est un médecin taciturne, discret, à part qui ne cherche pas la compagnie de ses collègues.

    Ces deux personnages vont pourtant vivre une aventure des plus folles ; entourés de gens surprenants et inattendus, ils affronteront bien des périls pour découvrir et se confronter à leurs réalités.

     

    "On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille" chantait Maxime Leforestier, on peut dire que cette phrase colle parfaitement à nos compagnons de lecture.

    Jusqu'où les souvenirs du passé peuvent-ils nous hanter ?

    Est-il vraiment souhaitable de s'y replonger ?

    Y aurait-il un autre chemin pour la guérison ?

    La souffrance finit-elle par nous rendre tous fous ?

    Jusqu'où serions-nous prêts à aller pour l'effacer ?

     

    Rien n'est évident, rien n'est écrit, rien n'est prévisible. Alice marche sur un fil et tente de rester à flot alors qu'elle ne comprend pas ce qui lui arrive. Luc cherche désespérément des réponses malgré le poids qui pèse sur ses épaules. Tous deux nagent à contre-courant, s'épuisent pour survivre. Je vous invite vivement à partager leurs peines et leurs désespoirs car leur histoire ne vous laissera pas de marbre, je vous le certifie. Bonne ballade dans les méandres de la psychologie !

     

    Extrait : Voix plombée, débit lent. Julie le sent dériver. Il ignore comment sauver ce rendez-vous, qui tourne au fiasco.

    - Parce que vous êtes aussi psychiatre de ville ?

    - C'était l'enseigne de mon père. J'y exerce encore le lundi, et le samedi aussi, parfois. Mais je vais arrêter. J'en finis avec mes derniers patients, et je plaque tout pour l'hôpital.

    - Pourquoi ? Quitter le privé pour le public, ça ne se voit jamais. L'hôpital, ce n'est pas ce qu'il ya de mieux.

    - Je me sens bien là-bas.

    - Parce que vous êtes sans cesse réfugié derrière votre blouse, même pour aller prendre votre repas de midi ? Qu'est-il arrivé au vrai Luc Graham ? Celui qui se tient en ce moment en face de moi ?

    Il lui sourit timidement. Son coeur n'est vraiment plus à la fête.

    - C'est l'assistante sociale qui parle ?

    - C'est le psy qui répond ? Parlez-moi de votre patiente... Cette jeune femme capable de se glisser entre vous et moi dans un si charmant endroit. Elle doit être extrêmement importante pour vous.

    - Elle l'est...

    Luc passe son index machinalement autour de son verre.

    - Vingt ans que j'exerce ce métier, que je cherche à comprendre la psychiatrie. Cette patiente, elle vient et, dès sa première séance, me sort une phrase qui résume parfaitement ce que j'ai cherché toute ma vie.

    - Vous m'intriguez, Luc.

    - Vous vous souvenez, le Muppet Show ? Ce programme pour enfants des années quatre-vingts ?

    - Evidemment... C'est toute mon adolescence.

    - Il y avait une grenouille, Kermit, qui prononçait toujours une petite phrase : "Ce n'est pas simple d'être vert." C'est la phrase que ma patiente m'a sortie, tout naturellement. Elle est malade comme la grenouille est verte, elle n'y peut rien.

     


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