• Les contemplations (16/31)

    Deux textes poignants sur la souffrance d'un père qui a perdu sa fille...

     

     

     

    IV

     

    Oh ! je fus comme fou dans le premier moment,

    Hélas ! et je pleurai trois jours amèrement.

    Vous tous à qui Dieu prit votre chère espérance,

    Pères, mères, dont l'âme a souffert ma souffrance,

    Tout ce que j'éprouvais, l'avez-vous éprouvé ?

    Je voulais me briser le front sur le pavé ;

    Puis je me révoltais, et, par moments, terrible,

    Je fixais mes regards sur cette chose horrible,

    Et je n'y croyais pas, et je m'écriais : Non !

    - Est-ce que Dieu permet de ces malheurs sans nom

    Qui font que dans le coeur le désespoir se lève ? -

    Il me semblait que tout n'était qu'un affreux rêve,

    Qu'elle ne pouvait pas m'avoir ainsi quitté,

    Que je l'entendais rire en la chambre à côté,

    Que c'était impossible enfin qu'elle fût morte,

    Et que j'allais la voir entrer par cette porte !

     

    Oh ! que de fois j'ai dit : Silence ! elle a parlé !

    Tenez ! voici le bruit de sa main sur la clé !

    Attendez ! elle vient ! laissez-moi, que j'écoute !

    Car elle est quelque part dans la maison sans doute !

                                       Jersey, Marine-Terrace, 4 septembre 1852.

     

    V

     

    Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin

    De venir dans ma chambre un peu chaque matin ;

    Je l'attendais ainsi qu'un rayon qu'on espère ;

    Elle entrait et disait : Bonjour, mon petit père ;

    Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s'asseyait

    Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,

    Puis soudain s'en allait comme un oiseau qui passe.

    Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse,

    Mon oeuvre interrompue, et, tout en écrivant,

    Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent

    Quelque arabesque folle et qu'elle avait tracée,

    Et mainte page blanche entre ses mains froissée

    Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers

    Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts,

    Et c'était un esprit avant d'être une femme.

    Son regard reflétait la clarté de son âme.

    Elle me consultait sur tout à tous moments.

    Oh ! que de soirs d'hiver radieux et charmants,

    Passés à raisonner langue, histoire et grammaire,

    Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère

    Tout près, quelques amis causant au coin du feu !

    J'appelais cette vie être content de peu !

    Et dire qu'elle est morte ! hélas ! que Dieu m'assiste !

    Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste ;

    J'étais morne au milieu du bal le plus joyeux

    Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.

                                       Novembre 1846, jour des morts.

    « Le livre noir des serial killers de Stéphane BourgoinLe livre des morts de Glenn Cooper »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :