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Les rayons et les ombres (7/7)
Voilà, un chapitre se tourne, c'est le dernier extrait, pour autant ne vous inquiétez pas, d'autres extraits des Châtiments d'Hugo suivront... Faites-moi confiance...
Bonne lecture !
XXX
[...]
Puisqu'un Dieu saigne au calvaire,
Ne nous plaignons pas, crois-moi.
Souffrons ! c'est la loi sévère.
Aimons ! c'est la douce loi.
Aimons ! soyons deux ! Le sage
N'est pas seul dans son vaisseau.
Les deux yeux font le visage ;
Les deux ailes font l'oiseau.
Soyons deux ! - Tout nous convie
A nous aimer jusqu'au soir.
N'ayons à deux qu'une vie !
N'ayons à deux qu'un espoir !
Dans ce monde de mensonges,
Moi, j'aimerai mes douleurs,
Si mes rêves sont tes songes,
Si mes larmes sont tes pleurs !
20 mai 1838
Caeruleum mare
Quand je rêve sur la falaise,
Ou dans les bois, les soirs d'été,
Sachant que la vie est mauvaise,
Je contemple l'éternité.
A travers mon sort mêlé d'ombres,
J'aperçois Dieu distinctement,
Comme à travers des branches sombres
On entrevoit le firmament !
Le firmament ! où les faux sages
Cherchent comme nous des conseils !
Le firmament plein de nuages,
Le firmament plein de soleils !
Un souffle épure notre fange.
Le monde est à Dieu, je le sens.
Toute fleur est une louange,
Et tout parfum est un encens.
La nuit, on croit sentir Dieu même
Penché sur l'homme palpitant.
La terre prie et le ciel aime.
Quelqu'un parle et quelqu'un entend.
Pourtant, toujours à notre extase,
Ô Seigneur, tu te dérobas !
Hélas ! tu mets là-haut le vase,
Et tu laisses la lèvre en bas !
Mais un jour ton œuvre profonde,
Nous la saurons, Dieu redouté !
Nous irons voir de monde en monde
S'épanouir ton unité !
[...]
Nous pourrons comparer, poëtes,
Penseurs croyant en nos raisons,
A tous les mondes que vous faites
Tous les rêves que nous faisons !
En attendant, sur cette terre,
Nous errons, troupeau désuni,
Portant en nous ce grand mystère :
Œil borné, regard infini.
[...]
Hélas ! tout penseur semble avide
D'épouvanter l'homme orphelin :
Le savant dit : Le ciel est vide !
Le prêtre dit : L'enfer est plein ![...]
Il faut aimer ! l'ombre en vain couvre
L'œil de notre esprit, quel qu'il soit.
Croyez, et la paupière s'ouvre !
Aimez, et la prunelle voit !
[...]
La nuit, nul regard ne sait lire
Aux seuls feux des astres vermeils ;
Mais l'amour près de nous vient luire.
Une lampe aide les soleils.
[...]
Aimez donc ! car tout le proclame,
Car l'esprit seul éclaire peu,
Et souvent le cœur d'une femme
Est l'explication de Dieu ![...]
25 mars 1839.
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