• Je sors juste de la séance et dès la moitié du film je savais que j'allais écrire un article dessus. Des mots dans ma tête se chevauchaient, se bagarraient pour chercher la justesse, pour être à la hauteur des messages, des sentiments, de l'explosion de vies que j'avais sous les yeux. Un phénomène rare pour moi car j'écris peu sur les films ; j'aime parfois juste retranscrire quelques citations, quelques dialogues qui m'ont marquée ou touchée mais là c'est de l'oeuvre entière dont je veux parler.

    Quel film !

    Quelles tranches de vies !

    Une famille.

    Pas la vôtre, pas la mienne, une mère, des frères, une soeur, une épouse.

    Et pourtant, on vit avec eux et on les voit se déchirer, on les entend s'aimer et se détester, on est en chacun d'eux. On se retrouve là dans cette maison, dans ce huis clos oppressant, asphyxiant, en spectateur bousculé, en réalisateur voyeur, en scénariste patient. Les gros plans constants sur les visages nous invitent à être de la famille, les disputes, les agressions nous obligent à prendre nos distances et les longs silences qui font tant de bien font aussi tant de mal.

    Il ne faut pas omettre ces dialogues à deux, ces conversations discrètes, secrètes. Ce long et calme échange entre la mère et le fils si inoubliable, si lourd de sens qui s'oppose à la tension entre les frères.

    Une famille et pourtant seuls les deux étrangers se comprennent, s'allient presque, se défendent et s'apprécient parce qu'ils se ressemblent, parce qu'ils sont à l'écart, parce qu'ils sont discrets. Quant aux autres, ceux qui se connaissent, se côtoient, il n'y a pas d'entente possible, pas d'écoute, aucune compréhension, une surenchère constante de mots, de phrases, d'insultes.

    La brutalité face à la passivité, le flot de paroles face à trois mots, l'agressivité face à la retenue.

    Et moi dans tout ce bruit, moi qui suis elle, lui, moi qui ai envie de crever l'abcès mais qui ne peux pas, moi qui ne sais pas mais qui veux savoir ou pas, moi qui n'ai plus. L'absence est lourde, pesante, invalidante, culpabilisante mais elle était nécessaire. Doit-elle l'être encore ?

    Et cette attente tout le long du film qui pèse sur les épaules de chacun des personnages, ce besoin de comprendre ou de dire qui humidifie les regards, crispe les sourires et les corps de plus en plus. Les acteurs sont bluffants, une réelle performance pour chacun d'entre eux. Ils nous transmettent tant d'émotions par leurs regards, leurs postures, leurs respirations. Il n'y a pas besoin de parler, il n'y a qu'à être.

    Purée, ce film fait mal et pourtant il fera du bien parce qu'il est une image de tout ce qu'on se cache, comme une caméra sous un voile, un trou de serrure dans nos vies. Il vous chuchote : "regardez ce que vos décisions, ce que vos mots, ce que vos silences provoquent chez l'un, chez l'autre."

    Et puis qu'est-ce qu'une famille ? Comment chaque membre y évolue, y survit ?

    Que dire ? Quand le dire ? Comment le dire ? Faut-il le dire ? Pourquoi le dire ?

    Simplement écoutons-nous, parlons ensemble, communiquons. Parce qu'il vaut mieux lancer un petit pétard qui démange que laisser s'installer une bombe à retardement qui provoquera des ravages.

    Cessons les faux-semblants et commençons par être vrais.

    Stoppons les silences de politesse, les sourires de façade et mettons nos sentiments sur la table pour comprendre et être compris, pour ne plus être finalement des étrangers sous un même toit.

    Bref un très bon film sur le poids des non-dits, la lourdeur des silences...


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    Kenneth Branagh a fait du bon boulot, personne ne pourra contredire cela. A travers ce film, on sent sa passion pour Shakespeare ; il le joue et le parle avec aisance comme si ce langage riche et poétique était le sien. Par respect pour l’auteur, il a refusé de couper ou de modifier le texte intégral, aussi sachez-le si l’aventure vous tente, ce film dure 4 heures.

     

     

     

     

    Ce qui perturbe immédiatement c’est l’époque. En effet, Branagh a fait le choix de transposer l’histoire au 19ème siècle. Les personnages évoluent donc dans un magnifique palais aux dorures et aux couleurs éclatantes. Moi qui ai adoré la version cinématographique de Franco Zeferelli avec Mel Gibson et Glenn Close, j’avoue que cela m’a choquée et peut-être même déçue. Pourquoi notre puriste a-t-il fait ce choix ? Pour montrer que les écrits de Shakespeare sont intemporels ? Et c’est vrai, les tirades de notre auteur sont universelles et finalement on se fait assez facilement à ce changement d’époque.

     

    hamlet-1.jpgBranagh n’a pas lésiné sur les moyens. Les décors sont somptueux, les costumes d’une grande qualité et pour cause, le film a été tourné dans le château du duc de Malborough qui a d’ailleurs un petit rôle. La salle du trône offre un espace immense qui donne beaucoup de liberté à la caméra et la profondeur de champ est accentuée par des portes à miroir sans tain tout autour de cette salle. Branagh les utilise à merveille notamment lorsque Hamlet se fait passer pour fou et qu’il est épié à son insu par son oncle et le père d’Ophélie. De longs plans séquences se déroulent à cet endroit et certains sont vraiment étonnants, on a du coup l’impression d’être au théâtre, même quand une troupe de comédiens évolue dans cette salle et qu’on y place une scène et une centaine de places assises en pallier.

     

    Le choix des acteurs est aussi une réussite. Kenneth Branaghophelie.jpg s’octroie le rôle principal et l’interprète avec brio, Derek Jacobi et Julie Christie (qui a mis entre parenthèses sa retraite pour le rôle) excellent en beau-père et mère coupables, Kate Winslet en Ophélie est toujours aussi merveilleuse et les costumes d’époque lui vont à ravir. C’est sur le tournage de ce film qu’elle a appris qu’elle serait Rose dans Titanic.

    heston.jpgEt puis il y a quelques surprises tout au long du film, tout d’abord Charlton Heston qui joue un comédien de la troupe de théâtre, sa voix ténébreuse, caverneuse lui permet d’illuminer la scène et d’envahir l’espace comme nul autre, Gérard Depardieu a un petit rôle d’espion pour le père d’Ophélie, son accent anglais est plutôt bon, Robin Williams est l’arbitre du duel entre Laerte et Hamlet, avec sa bouille ronde couverte d’une moustache énorme il est la touche humoristique du film avec Billy Cristal en fossoyeur plutôt original. Ce dernier a d’ailleurs plutôt du mal à s’intégrer dans l’époque, son visage est trop contemporain.billy.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Avec de tels décors et de tels acteurs de talent, le film devrait être un chef d’œuvre et pourtant il n’atteint pas ce niveau. Plusieurs choses m’ont dérangée à commencer par le texte et ça me coûte de le dire, moi qui adore la langue de Shakespeare empreinte d’une beauté et d’une profondeur inégalées. Certains dialogues et monologues sont franchement trop longs, Shakespeare place parfois tant de métaphores et d’images qu’on se perd dans le sens même de la tirade. Certains acteurs ne savent plus comment varier leur interprétation. A force, cela devient lourd, épuisant, oppressant et on est franchement soulagés quand l’entracte arrive au bout de 2 h 40 nous offrant l’excuse d’un repos pour notre cerveau, d’une bouffée d’air frais. Par rapport au livre ou au film de Zeferelli, le texte ajouté n’a rien de révolutionnaire ni de transcendant. Les plus belles phrases et les plus importantes sont déjà dans les versions courtes.

    La seconde partie est plus légère, il y a moins de monologues, plus d’échanges entre les personnages, plus d’humour aussi et notre attention, notre intérêt reprennent le dessus aisément.

     

    L’autre erreur à mon sens est la richesse des décors. Le film de Zeferelli m’avait marquée parce qu’il était sombre, gris, brumeux et froid. On ressentait alors davantage la peine, la haine de Hamlet, la tristesse et la folie d’Ophélie. Le roman est à la base une tragédie, ce que vivent nos deux amoureux est un cauchemar déchirant et placer cela dans un palais lumineux, somptueux aux couleurs vives et aux dorures aveuglantes freine notre compassion.

    spectre.jpgA l’inverse les apparitions du spectre du père d’Hamlet sont une totale réussite. Branagh utilise la contre-plongée et une musique profonde et forte pour le rendre imposant et impressionnant. Lorsqu’il dévoile la vérité à son fils, les deux acteurs sont dans une forêt sombre et froide, aux arbres dénudés et resserrés, la neige recouvre le sol, la terre tremble et se fissure crachant de la fumée, les yeux du spectre sont d’un bleu pâle effrayant, sa voix vient d’outre-tombe, là on est dans la tragédie qui nous prend aux tripes et nous ancre dans le récit.

     

    Pour finir, je dirais que ce film est réservé aux puristes. Je suis contente de l’avoir vu, mais je ne renouvellerai pas l’expérience. Il est beau à voir, Branagh y a mis tout son talent de réalisateur mais le texte est souvent trop lourd et étouffant. Si vous voulez découvrir Hamlet, choisissez une autre version cinématographique ou alors mieux, lisez le livre.

     

     

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                                   la mégère apprivoisée

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                                   le film Hamlet avec Mel Gibson   


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  • anonymous1.jpgEnfin un film sur un des mes auteurs favoris pour ne pas dire le plus prestigieux, le plus talentueux ! J’avais hâte de le voir mais en même temps un peu peur. Mes craintes se portaient uniquement sur le fait que le film avance la théorie suivante : Shakespeare n’est pas l’homme qui a écrit les poèmes et les pièces de théâtre que nous connaissons tous. Certes cette hypothèse est plus que plausible puisque l’on sait que William Shakespeare n’était pas un noble, ni même un bourgeois. Fils d’un gantier, comment aurait-il pu manier la langue anglaise avec autant de brio ? Comme le réalisateur l’évoque dans les bonus (très intéressants d’ailleurs), dès le XVIIIème siècle, les érudits ont eu des doutes sur les capacités et les connaissances de Shakespeare. Mais on ne pouvait pas à l’époque remettre en cause un tel prodige, on ne pouvait salir le prestige d’un auteur si élogieux sans finalement s’attaquer à l’Angleterre elle-même si fière de son dramaturge.

     

    C’est d’ailleurs ce qui est mis en lumière dès le début du film. Le narrateur, sur une scène de théâtre actuelle, raconte qu’aucun écrit, aucune lettre, aucune œuvre de Shakespeare n’a été retrouvée. On ne peut même pas prouver qu’il savait écrire ; d’ailleurs, il épelait son nom de la sorte : SHAKSPER. Certes il lisait puisqu’il était un comédien plutôt renommé. Son père et les deux filles de Shakespeare étaient eux-mêmes illettrés. Alors comment tout cela est-il possible ? Le doute est posé, les arguments sont énoncés pour justifier le film qui suivra.

     

    Shakespeare est un comédien qui joue une scène de théâtre devant une foule assez conséquente. Le comte d’Oxford, Edouard de Vere, assiste à cette pièce et est impressionné par le nombre de spectateurs. Il trouve que c’est la meilleure façon finalement de toucher une multitude de personnes et de faire passer un message. C’est alors que le côté politique entre en scène. A cette époque, la reine Elisabeth n’a toujours pas nommé d’héritier et le temps presse vu son âge avancé. De Vere souhaiterait voir sur le trône le fils bâtard de la reine le comte d’Essex mais le conseiller personnel de la reine de puis plusieurs décennies, le comte Cecil, met plutôt en avant le roi James d’Ecosse. Or les Anglais ne veulent pas d’un Ecossais au pouvoir.

     

    de-Vere.jpgDe Vere a toujours été attiré par l’écriture. Petit, déjà, il jouait devant la jeune reine Elisabeth et écrivait des pièces. Cette dernière, d’ailleurs, appréciait son talent et la beauté de son verbe. Malheureusement, à la mort de ses parents, de Vere est recueilli par le comte Cecil qui lui interdit formellement d’écrire de la poésie sous son toit. Cela empire lorsqu’il est contraint d’épouser la fille de son bienfaiteur. Du coup, toutes ses œuvres écrites en cachette n’ont jamais pu voir le jour.

     

    Jonson, l’auteur de la pièce jouée par Shakespeare, reçoit alors uneshakes proposition du comte d’Oxford. En échange d’argent, il devra donner vie aux  œuvres de de Vere et les faire passer pour les siennes car un noble n’a pas le droit d’écrire de la sorte. Jonson hésite et en parle à William Shakespeare. A la fin de la représentation de la première pièce du comte d’Oxford, Henri V, le public acclame l’auteur mais c’est finalement Shakespeare qui monte sur scène et s’empare de la gloire qui ne finira pas de croître par la suite.

     

    De Vere place ainsi ses pions et profite enfin de la mise en lumière de ses pièces même si le succès ne lui est pas attribué personnellement. Shakespeare se fait un nom, se montre gourmand et fait jaser d’autres dramaturges notamment Kit Marlowe qui ne croit pas Shakespeare capable d’écrire de telles œuvres. D’autre part, Cecil déteste les pièces de théâtre et s’offusque du fait que la reine y reine.jpgreprend goût. Les pièces du comte d’Oxford mettent en avant des nobles, des assassinats, des ruses politiques qui sont loin de plaire à Cecil mais qui éveillent davantage l’intérêt du peuple. C’est donc à travers le théâtre et les messages cachés dans les pièces que va s’achever la fin de l’époque élisabéthaine.

     

     

     

     

    Ce film est réalisé à mon sens avec brio. Tout d’abord, les costumes et les décors sont magnifiques. Le scénario est un bijou, c’est avec une grande joie que je me suis replongée dans le langage shakespearien surtout qu’on a le privilège d’assister à plusieurs extraits d’œuvres. Les chassés croisés entre la jeunesse, l’adolescence et la vie « actuelle » d’Oxford sont faits judicieusement. Chaque retour en arrière est de courte durée, juste assez pour nous expliquer sa vie, ses choix au moment opportun. On apprend d’ailleurs à travers lui beaucoup d’informations intéressantes sur la reine Elisabeth. Les acteurs sont absolument remarquables surtout Rhys Ifans qui incarne le comte d’Oxford et Vanessa Redgrave la reine Elisabeth. L’histoire en elle-même se tient parfaitement même si elle égratigne un peu notre héros dépeint ici comme un ivrogne sans scrupules. Plus les minutes passent et plus l’hypothèse prend toute sa place, tout son sens. En effet, de Vere était un noble érudit qui a passé du temps en Italie. Il parlait le latin, le grec, le français et connaissait les lois élisabéthaines du XVIème siècle. Comme on le précise dans les bonus, toutes ces qualités étaient plus que nécessaires à l’auteur des œuvres de Shakespeare car les pièces mettent en scène des nobles, beaucoup se déroulent en Italie, plusieurs langues y sont parfois citées et les lois de l’époque sont utilisées. Il ne faut pas non plus se leurrer, Shakespeare n’avait aucune de ces capacités. Alors que ce soit le comte d’Oxford le père de ses œuvres somptueuses ou un groupe de dramaturges qui est l’autre hypothèse évoquée, qu’importe, l’essentiel c’est qu’elles aient subsisté à travers les temps et qu’elles nous enchantent encore aujourd’hui.

     

     

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                                   le roi Lear

                                   Antoine et Cléopatre

                                   Comme il vous plaira

                                   beaucoup de bruit pour rien

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                                   Le soir des rois

                                   Les deux gentilshommes de Vérone

                                   le film Hamlet avec Mel Gibson    

                                             le film Hamlet de K. Branagh

                                   la mégère apprivoisée

                                   peines d'amours perdues


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