• Les contemplations (3/31)

    Un petit sujet de philo : à quoi sert le mot ? Votre professeur sera l'illustre Victor Hugo, qui mieux que lui pour en parler ?

    Puis pour bien reposer votre cerveau après cette longue discussion, un petit peu de printemps avant l'automne...

    Bonne lecture

     

     

     

    Suite

     

    Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant.
    La main du songeur vibre et tremble en l'écrivant ;
    La plume, qui d'une aile allongeait l'envergure,
    Frémit sur le papier quand sort cette figure,
    Le mot, le terme, type on ne sait d'où venu,
    Face de l'invisible, aspect de l'inconnu ;
    Créé, par qui ? forgé, par qui ? jailli de l'ombre ;
    Montant et descendant dans notre tête sombre,
    Trouvant toujours le sens comme l'eau le niveau ;
    Formule des lueurs flot
    tantes du cerveau.


    Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses.
    Ils roulent pêle-mêle au gouffre obscur des proses,
    Ou font gronder le vers, orageuse forêt.
    Du sphinx Esprit Humain le mot sait le secret.
    Le mot veut, ne veut pas, accourt, fée ou bacchante,
    S'offre, se donne ou fuit ; devant Néron qui chante
    Ou Charles-Neuf qui rime, il recule hagard ;
    Tel mot est un sourire, et tel autre un regard ;
    De quelque mot profond tout homme est le disciple ;
    Toute force ici-bas à le mot pour multiple ;
    Moulé sur le cerveau, vif ou lent, grave ou bref,
    Le creux du crâne humain lui donne son relief ;
    La vieille empreinte y reste auprès de la nouvelle ;
    Ce qu'un mot ne sait pas, un autre le révèle ;
    Les mots heurtent le front comme l'eau le récif ;
    Ils fourmillent, ouvrant dans notre esprit pensif
    Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes ;
    Comme en un âtre noir errent des étincelles,
    Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux,
    Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous ;
    Les mot
    s sont les passants mystérieux de l'âme.

     

    Chacun d'eux porte une ombre ou secoue une flamme ;
    Chacun d'eux du cerveau garde une région ;
    Pourquoi ? c'est que le mot s'appelle Légion ;
    C'est que chacun, selon l'éclair qui le traverse,
    Dans le labeur commun fait une oeuvre diverse ;
    C'est que, de ce troupeau de signes et de sons
    Qu'écrivant ou parlant, devant nous nous chassons,
    Naissent les cris, les chants, les soupirs, les harangues ;
    C'est que, présent partout, nain caché sous les langues,
    Le mot tient sous ses pieds le globe et l'asservit ;
    Et, de même que l'homme est l'animal où vit
    L'âme, clarté d'en haut par le corps possédée,
    C'est que Dieu fait d
    u mot la bête de l'idée.

    [...]

    Jersey, octobre 1854.

     

    Premier mai

     

    Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses.
    Je ne suis pas en train de parler d’autres choses.
    Premier mai ! l’amour gai, triste, brûlant, jaloux,
    Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ;
    L’arbre où j’ai, l’autre automne, écrit une devise,
    La redit pour son compte et croit qu’il l’improvise ;
    Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur,
    Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en coeur ;
    L’atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine
    Des déclarations qu’au Printemps fait la plaine,
    Et que l’herbe amoureuse adresse au ciel charmant.
    A chaque pas du jour dans le bleu firmament,
    La campagne éperdue, et toujours plus éprise,
    Prodigue les senteurs, et dans la tiède brise
    Envoie au renouveau ses baisers odorants.
    Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans,
    Dont l’haleine s’envole en murmurant : Je t’aime !
    Sur le ravin, l’étang, le pré, le sillon même,
    Font des taches partout de toutes les couleurs ;
    Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ;
    Comme si ses soupirs et ses tendres missives
    Au mois de mai, qui rit dans les branches lascives,
    Et tous les billets doux de son amour bavard,
    Avaient laissé leur trace aux pages du buvard !
    Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées,
    Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ;
    Tout semble confier à l’ombre un doux secret ;
    Tout aime, et tout l’avoue à voix basse ; on dirait
    Qu’au nord, au sud brûlant, au couchant, à l’aurore,
    La haie en fleur, le lierre et la source sonore,
    Les monts, les champs, les lacs et les ch
    ênes mouvants
    Répètent un quatrain fait par les quatre vents.

    Saint-Germain, 1er mai 18...

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