• Les chants du crépuscule (3/5)

    Troisième volet, on est au milieu et c'est toujours aussi puissant... De l'amertume à l'amour...

     

    Conseil

     

    […]

    Nous attendons toujours ! Seigneur, prenez pitié

    Des peuples qui, toujours satisfaits à moitié,

                Vont d’espérance en espérance ;

    Et montrez-nous enfin l’homme de votre choix

    Parmi tous ces tribuns et parmi tous ces rois

                Que vous essayez à la France !

     

    […]

    Rois ! la bure est souvent jalouse du velours.

    Le peuple a froid l’hiver, le peuple a faim toujours.

                Rendez-lui son sort plus facile.

    Le peuple souvent porte un bien rude collier.

    Ouvrez l’école aux fils, aux pères l’atelier,

                A tous vos bras, auguste asile !

     

    […]

    O rois ! le pain qu’on porte au vieillard desséché,

    La pauvre adolescente enlevée au marché,

    Le bienfait souriant, toujours prêt à toute heure,

    Qui vient, riche et voilé, partout où quelqu’un pleure,

    Le cri reconnaissant d’une mère à genoux,

    L’enfant sauvé qui lève, entre le peuple et vous,

    Ses deux petites mains sincères et joyeuses,

    Sont la meilleur digue aux foules furieuses.

     

    Hélas ! je vous le dis, ne vous endormez pas

    Tandis que l’avenir s’amoncelle là-bas !

     

    Il arrive parfois, dans le siècle où nous sommes,

    Qu’un grand vent tout à coup soulève à flots les hommes ;

    Vent de malheur, formé, comme tous les autans,

    De souffles quelque part comprimés trop longtemps ;

    […]

    Et ces groupes sans forme et ces rumeurs sans nombre,

    Pousse tout cet orage au seuil d’un palais sombre !

     

    Palais sombre en effet, et plongé dans la nuit !

    D’où les illusions s’envolent à grand bruit,

    Quelques-unes en pleurs, d’autres qu’on entend rire !

    C’en est fait. L’heure vient, le voile se déchire,

    Adieu les songes d’or ! On se réveille, on voit

    Un spectre aux mains de chair qui vous touche du doigt.

    C’est la réalité ! qu’on sent là, qui vous pèse.

    On rêvait Charlemagne, on pense à Louis seize !

    Heure grande et terrible où, doutant des canons,

    La royauté, nommant ses amis par leurs noms,

    Recueillant tous les bruits que la tempête apporte,

    Attend, l’œil à la vitre et l’oreille à la porte !

    Où l’on voit dans un coin, ses filles dans ses bras,

    La reine qui pâlit, pauvre étrangère, hélas !

    Où les petits enfants des familles royales

    De quelque vieux soldat pressent les mains loyales,

    Et demandent, avec des sanglots superflus,

    Aux valets, qui déjà ne leur répondent plus,

    D’où viennent ces rumeurs, ces terreurs, ce mystère,

    Et les ébranlements de cette affreuse terre

    Qu’ils sentent remuer comme la mer aux vents,

    Et qui ne tremble pas sous les autres enfants !

     

    […]

    O redoutable époque ! et quels temps que les nôtres !

    Où, rien qu’en se serrant les uns contre les autres,

    Les hommes dans leurs plis écrasent tours, châteaux,

    Donjons que les captifs rayaient de leurs couteaux,

    Créneaux, portes d’airain comme un carton ployées,

    Et sur leurs boulevards vainement appuyées

    Les pâles garnisons, et les canons de fer

    Broyés avec le mur comme l’os dans la chair !

     

    Comment se défendra ce roi qu’un peuple assiège ?

    Plus léger sur ce flot que sur l’onde un vain liège,

    Plus vacillant que l’ombre aux approches du soir,

    Ecoutant sans entendre et regardant sans voir,

    Il est là qui frissonne, impuissant, infertile,

    Sa main tremble, et sa tête est un crible inutile,

    _ Hélas ! hélas ! les rois en ont seuls de pareils !

    […]

     

    Malheur alors ! O Dieu ! faut-il que nous voyions

    Le côté monstrueux des révolutions !

    Qui peut dompter la mer ? Seigneur ! qui peut répondre

    Des ondes de Paris et des vagues de Londres,

    Surtout lorsque la ville, ameutée aux tambours,

    Sent ramper dans ses flots l’hydre de ses faubourgs !

    Dans ce palais fatal où l’empire s’écroule,

    Dont la porte bientôt va ployer sous la foule,

    Où l’on parle tout bas de passages secrets,

    Où le roi sent déjà qu’on le sert de moins près,

    Où la mère en tremblant rit à l’enfant qui pleure,

    O mon Dieu ! que va-t-il se passer tout à l’heure ?

    Comment vont-ils jouer avec ce nid de rois ?

    […]

                                       28 décembre 1834

     

    XXV

     

    Puisque j’ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine,

    Puisque j’ai dans tes mains posé mon front pâli,

    Puisque j’ai respiré parfois la douce haleine

    De ton âme, parfum dans l’ombre enseveli,

     

    Puisqu’il me fut donné de t’entendre me dire

    Les mots où se répand le cœur mystérieux,

    Puisque j’ai vu pleurer, puisque j’ai vu sourire

    Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux ;

     

    Puisque j’ai vu briller sur ma tête ravie

    Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours,

    Puisque j’ai vu tomber dans l’onde de ma vie

    Une feuille de rose arrachée à tes jours,

     

    Je puis maintenant dire aux rapides années :

    _ Passez ! passez toujours ! je n’ai plus à vieillir !

    Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées ;

    J’ai dans l’âme une fleur que nul ne peut cueillir !

     

    Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre

    Du vase où je m’abreuve et que j’ai bien rempli.

    Mon âme a plus de feu que vous n’avez de cendre !

    Mon cœur a plus d’amour que vous n’avez d’oubli !

                                       1er janvier 1835. Minuit et demi.

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